15/11/2018

Interview de Delphine Péron

Delphine Péron, une passionnée !

Delphine Péron, enseignante passionnée, Edtech

Enseignante avant tout

Je suis une enseignante dynamique, passionnée, curieuse, et j’ai toujours l’envie de progresser, d’apprendre, d’apprendre de l’autre, des rencontres, des jeunes …
J’aime remettre en question ma façon d’enseigner, ma posture d’enseignante et d’évoluer avec la jeunesse et la société de demain.

Vous pratiquez la Classe inversée. En quoi cette démarche favorise les apprentissages au lycée ? 


J’enseigne en Pédagogie Inversée depuis maintenant 3 ans. Celle-ci a évolué en 3 ans … Ma posture d’enseignante a été bouleversée !

Cette démarche me permet d’être disponible pour répondre aux questions des jeunes.
Avant, je parlais énormément en classe pour “enseigner” le cours, pour corriger des exercices ... Je devais (ou tenter de) toujours garder une dynamique pour que les jeunes restent concentrés, intéressés. Cette énergie passée à garder leur attention était épuisante. Je sortais de mes cours souvent fatiguée nerveusement. Garder l’attention sur soi est une démarche énergivore, mais aussi souvent frustrée de ne pas avoir eu assez de temps pour répondre aux interrogations des jeunes. 
Je m’inquiétais de voir des élèves s’ennuyer ! Certains par désintérêt, mais souvent le “timing” n’était pas le bon.
Je m’explique … Pour certains dont les notions étaient délicates à comprendre, le rythme imposé était trop intense … Ils n’avaient pas le temps de se poser réellement pour comprendre, et surtout poser des questions. Bien sûr, c’était possible d’en poser, mais il fallait avancer pour respecter le programme, les échéances de notes, et le rythme des autres …
Pour d’autres, dont l’apprentissage et la compréhension sont plus simples, l’ennui risquait de s’installer, car le rythme n’était pas assez rapide …

Avec la Pédagogie Inversée, ma posture est différente ! Je ne suis plus la personne qui “donne” le savoir au tableau par exemple. Je suis devenue accompagnatrice des savoirs, “coach” comme un entraîneur d’une équipe sportive.

J’ai construit des vidéos pour l’ensemble des notions de l’année. Les jeunes ont une feuille de route. Ils connaissent dès septembre l’ensemble des exercices à faire, des vidéos à regarder, des échéances à respecter.
Je prends beaucoup de temps en début d’année, et aussi pendant l’année, à les accompagner dans l’apprentissage de l’autonomie, la gestion du temps, la gestion de leur travail, de leur apprentissage, la gestion du stress … 

Quand les élèves arrivent en classe, ils savent ce qu’ils vont faire pendant la séance. Ils s'installent et se mettent directement au travail, ou m’interpelle pour les premières questions. 

Quel est votre rôle ?

Désormais, je passe énormément de temps, assise à côté d’un groupe d’élèves, voire d’un-e seul-e élève. Je peux maintenant prendre le temps nécessaire pour répondre à leurs questions, que ce soit en groupe ou de manière individuelle. Certaines ont besoin d’un accompagnement plus proche, d’autres sont rapidement autonomes. Ce fonctionnement me permet de mieux gérer cette hétérogénéité.

J’ai remarqué que les jeunes arrivent moins stressés en classe. Il n’y a plus le stress d’être pris en défaut, la honte de poser des questions face au groupe classe… Ils osent maintenant me poser des questions … c’est plus simple de poser ses questions à une personne en tête-à-tête que face à l’ensemble du groupe, surtout à un âge où le jeune reste en construction.

Je prends aussi beaucoup de temps à “coacher” la manière d’apprendre à apprendre”. Je ne reste plus dans la transmission du savoir mathématique, mais je peux enfin accompagner réellement les jeunes dans leur façon d’apprendre, de travailler, … Depuis que j’enseigne, je parle de moi en tant qu’enseignante, puis enseignante en Mathématiques. Avec la Pédagogie Inversée, je réussis enfin à être dans cette posture d’enseignante, dont la matière de prédilection est “ Mathématiques ”.

Certaines personnes, curieuses, interrogatives, voire réfractaires, s’inquiètent pensant qu’il n’y ait plus de séance en groupe classe. Les moments de groupe classe existent toujours mais dans un objectif différent, et quand le besoin s’en fait ressentir (par exemple, pour faire le point sur une question posée par la grande majorité de la classe, ou faire un bilan après une évaluation écrite, …).

Parfois, j’utilise des outils numériques (Plickers, Kahoot par exemple) pour faire le bilan sur l’acquisition des notions. C’est dans ces temps que je peux refaire le point, si besoin, sur des difficultés rencontrées par le groupe. 
La Pédagogie Inversée ne veut pas dire que les élèves sont seuls. Il y a des temps de mise en commun et des temps de travaux de groupe, des temps de travail individuel.
Concrètement, les jeunes sont installés en ilôts

Pour quelles raisons ?

Pour favoriser, les échanges ! le travail collaboratif, coopératif … C’est aussi ça la Pédagogie Inversée, favoriser ces compétences, indispensables dans le monde étudiant et professionnel.
L’enseignement entre pairs est riche ! Ils s’aident, s’épaulent et ça c’est assez nouveau dans ma classe (enfin à ce point). Disons, que l’environnement que j’essaie d’installer favorise cette entraide … et je trouve ça extraordinaire ! Un jour, un inspecteur m’a dit qu’un bon enseignant est un enseignant qui sait de rendre “inutile”. J’avoue que je n’avais pas compris comment arriver à cela. Maintenant, je ne dis pas que je suis inutile, car le professeur reste indispensable dans l’accompagnement du jeune, mais je réussis à laisser beaucoup plus de place aux jeunes. Ils deviennent de plus en plus autonomes : qualité essentielle pour la suite de leur parcours étudiant et professionnel. 

Avec cette manière d’enseigner, les élèves passent leur temps en classe à travailler sur des exercices, et non plus à m’écouter “réciter” mon cours. Ils sont actifs ! Ils pratiquent beaucoup plus maintenant, et donc sont confrontés plus souvent à leurs incompréhensions, et ce en ma présence. La plupart des questions arrivent en classe, pendant que je suis présente, et donc dans la capacité de les aider à comprendre et à avancer. Avant, les questions arrivaient souvent à la maison quand ils étaient seuls … Qui n’a pas connu son enfant en train de bloquer pendant plusieurs minutes, voire beaucoup plus, sur un exercice ou un cours ?  
Le principe de la Pédagogie Inversée est que les tâches simples (visionner une capsule vidéo par exemple) se déroulent hors classe et les tâches complexes (méthodologie du travail, résolution d’exercices, …) en présentiel. 
 
Pour moi, c’est une révolution ! Il est impossible, pour moi, de revenir à mon enseignement d’avant.
J’insiste sur le fait que cette nouvelle posture allie bienveillance ET exigence. 

Pour plus de renseignements sur ce type de pédagogie, un site à consulter : http://www.laclasseinversee.com/

Pour favoriser de tels projets, de quoi ont besoin les élèves (compétences, matériel…) ?

Les élèves ont besoin … au final, ils arrivent là où ils en sont et j’essaie au maximum de m’adapter à eux. 
Ils ont besoin d’être ouverts au changement. Ce n’est pas simple de sortir des habitudes … C’est la difficulté première que je rencontre en début d’année. 
Après, ils vont acquérir de l’autonomie, et je les accompagne dans cet apprentissage.
Ils vont acquérir des méthodes de travail différentes, la capacité à demander de l’aide, la capacité à accompagner l’autre …
Concernant le matériel, dans l’idéal, les jeunes devraient avoir accès à réseau Wifi pour travailler en autonomie avec les outils numériques existants et mis à disposition par l’enseignant, un ordinateur, ou smartphone ou tablette. Dans beaucoup d’établissements, ce n’est pas le cas. Il faut s’adapter au contexte.

Mais attention, la Pédagogie Inversée ne veut pas dire numérique. Le numérique est un plus, un outil, un facilitateur. Ce n’est donc pas un outil indispensable. Il existe beaucoup d’autres outils pour travailler en Pédagogie Inversée.
La Pédagogie Inversée est surtout un changement de posture et une réorganisation de l’espace-temps et l’espace-classe.  

Comment réagissent les familles ?

Les familles sont parfois déroutées en début d’année, mais en confiance. Ils ont accès aussi à l’ensemble de mon site pour visualiser aussi ce que je mets à disposition de leur enfant.
Très rapidement, les familles sont ravies de l’accompagnement que permet cette pédagogie. Les retours des années précédentes sont très bons. Les résultats de mes élèves au Baccalauréat sont bons, et je vois une nette progression des résultats pour certains en cours d’année. 

J’ai, dans la très grande majorité des cas, que des retours positifs. Il ne faut pas se leurrer, cette pédagogie n’est pas non plus LA solution. 
Il y a toujours des jeunes ou des parents qui n’adhèrent pas à cette pédagogie. Mais, quelle pédagogie remporte un succès à 100 % ? Et, l’essentiel est le bien-être du jeune, et leur évolution dans les savoirs, les savoir-faire et les savoir-être. 

Quelle est votre appli préférée ?

Difficile d’en choisir UNE !!! Il y en a tellement …
Bon, pour faire un choix, je dirais Learning Apps ! C’est un site internet permettant d’utiliser, de construire, de modifier des applications permettant aux jeunes de se tester à distance ou non, en autonomie, de façon riche et variée ...mots croisés, classement par paire, placement sur une image, questions pendant dans la diffusion d’une vidéo, QCM, …

Mais, je me dois de mentionner aussi Plickers, Kahoot, ClassroomScreen, Mirage Make, Genial.ly … 

Twitter : @coccimath

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