15/12/2018

Interview de Vanessa Lalo

 Vanessa Lalo, Psy 2.0

Vanessa Lalo, psy 2.0, Ecole Numérique 37
Psychologue clinicienne,
je suis spécialisée dans les jeux vidéo, les pratiques numériques et leurs impacts (cognitifs, éducatifs et culturels). Pour moi, le numérique doit être au service de l’humain.

On parle beaucoup des dangers des jeux vidéo auprès des jeunes. Qu’en est-il vraiment ?

On parle effectivement des problèmes de violence, d'addiction, d'isolement. Mais on ne devient pas violent à cause des jeux vidéo et ce n’est pas le sujet qui devrait le plus nous interroger.
Un élément plus inquiétant se développe ces derniers temps : les micro-paiements. Dans certains jeux, les jeunes ont la possibilité d’acheter des compléments pour le jeux (objets, équipements pour le personnage, pass de saison…) Cela empêche de fixer un cadre. Et on retrouve des jeunes avec des dépenses de 200 € en moyenne pour certains jeunes.

Il est important que les adultes fassent la différence entre la quantité et la qualité d’une part et le contenu et le support d’autre part.
Pourquoi ne pas traiter les jeux vidéo, les vidéo sur Youtube… comme les livres ? Donne-t-on n’importe quel livre à son enfant ? Il est donc préférable de donner accès à moins de contenus mais de meilleure qualité. Et ce n’est pas le support qui importe (youtube, console de jeux, tablette…) mais le contenu en lui-même.

Les parents sont en quête de repères. Quels repères peut-on leur donner ?

On trouve déjà beaucoup de repères (signalétiques d’âges minimum pour les jeux, règle des 3-6-9-12 …). Mais ce n’est pas le plus important.
Il faut que les adultes s’approprient ces jeux. On projette nos préoccupations d’adultes sur les activités des enfants. Or, à trop interdire, on passe à côté d’une partie grandissante de la vie de son enfant.
Il faut donc s’intéresser à leurs jeux, leurs dessins animés pour les accompagner vers de meilleurs contenus. Il faut une régulation partagée.
Les parents doivent poser un cadre porteur de leurs valeurs. Il ne faut pas interdire sans proposer autre chose. On ne peut pas dire par exemple “Ton jeu est stupide” sans avoir joué avec son enfant ou s’être intéressé à son jeu pour savoir de quoi il retourne, tant en termes de contenus que de mécaniques ou de modes de jeux. Il faut lui demander pourquoi il aime ce jeu, ce que cela lui procure comme sentiment, avec qui il joue, ce que cela lui apporte, pour lui proposer autre chose.
N’oublions pas ce paradoxe : on dénonce souvent les comportements des enfants alors que nous avons ces mêmes comportements.  A quel moment suis-je crédible quand je dis à mon enfant “Tu peux jouer 5 min.” alors que je lui ai déjà dit “J’en ai pour 5 min au téléphone avec mon ami” et que je reste une demi-heure au téléphone !
Réfléchir sur nos pratiques aide aussi les enfants. Des applications comme Quality Times ou Moment permettent de générer un journal automatique des activités d'utilisation de votre smartphone (temps passé sur le téléphone et pour chaque application, nombre de déverrouillages d’écrans par jour…). Ainsi vous pouvez cerner vos usages au quotidien.

Souvent les parents ont peur du numérique, car ils ne maîtrisent pas…

Il faut redonner le pouvoir aux parents ! Pas besoin d’être un expert. Il suffit juste de chercher, de faire des choix, de déterminer le comment et le quand. Quand on achète un DVD pour ses enfants, on le choisit ; on sait à quel moment on va le regarder, dans quelles conditions et ce qu’il contient… Prenons le temps d’échanger avec les enfants pour comprendre les enjeux pour eux. Évitons les positions caricaturales qui vont augmenter l’envie d’enfreindre les règles.
Avec l’adolescence, enfreindre les limites est un rite. Il est préférable de responsabiliser les jeunes pour fixer le cadre et favoriser les “pactes de confiance”. Cela évite les risques d’excès, car on aide les jeunes à prendre conscience de leurs propres pratiques.

Et la question du temps ?

Chacun doit fixer des limites. Mais il y a une différence entre passer une heure à regarder des vidéos de chats et une heure à effectuer des recherches, à corriger un article Wikipédia, à échanger avec ses cousins… C’est à nous de fixer les règles. Utiliser un minuteur est un bon compromis pour autonomiser chacun avec un objet “neutre”. Il faut garder un peu de souplesse quand même dans les cadres posés et promouvoir les bonnes pratiques tout en suggérant des contenus alternatifs afin de bénéficier autant que possible des opportunités des outils numériques.

Quelle est votre appli préférée ?
J’aime beaucoup les appli hybrides qui permettent d’aller du numérique vers le tangible et inversement. C’est très intéressant de dessiner sur une tablette et de pouvoir imprimer sa création par la suite ou vice-versa de colorier et le voir le dessin s’animer sur l’écran.
Monument Valley est également une de mes application préférée. C’est un jeu poétique et très esthétique. Il fait appel à la réflexion, joue sur les illusions d’optiques, sous forme de puzzle spatial. Il fonctionne par essais-erreurs et convient autant aux enfants qu’aux parents. Il facilite beaucoup les échanges et donne envie de découvrir d’autres pépites numériques à partager en famille.


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